Point de vue. Pour la sécurité du monde, l’abolition complète et contrôlée de toutes les armes nucléaires est la seule issue.
Par Daniel Durand (*)
Les modifications de la doctrine nucléaire militaire, publiées par plusieurs journaux américains, sont lourdes de menaces pour la paix et la sécurité de la planète. Elles viennent après l’accélération donnée au programme de " guerre des étoiles II " ou " bouclier antimissile " par le président Bush, après la formidable augmentation du budget militaire américain : plus de 48 milliards de dollars (le total du budget militaire français est inférieur à 40 milliards de dollars).
Déjà, de premiers scénarios militaires américains avaient été publiés visant les conditions " d’entrée en force ", c’est-à-dire d’intervention, dans des pays suspectés d’être dans " l’axe du mal ". Comment, derrière ces projets, ne pas voir la vertigineuse tentation d’accompagner les intérêts américains stratégiques, économiques ou politiques, d’une stratégie de " domination totale et globale " (" full spectrum dominance ") ?
La majorité des stratèges estiment les armes nucléaires " inefficaces " sur le plan militaire et sécuritaire, comme l’avaient montré, il y a quelques années l’Appel au désarmement des généraux américains comme Lee Butler et Carol. En évoquant à nouveau la possibilité d’utiliser des " mini nukes ", des mini bombes nucléaires, dotées de pouvoirs perforants étendus, les stratèges veulent " banaliser " l’arme nucléaire, en faire une arme de " champ de bataille " comme n’importe quelle arme conventionnelle.
C’est la logique interne d’ailleurs, à plus ou moins long terme (de 2020 à 2050), de tous les programmes de " modernisation " ou de recherche nucléaire menés actuellement, y compris en France, avec le futur Laser Mégajoule. La porte serait ouverte à la relance d’une prolifération nucléaire terrifiante. Nombreux seront les États qui voudront se " garantir " en possédant à leur tour des armes nucléaires ou de destruction massive, chimiques ou biologiques. La politique américaine, en s’attaquant aux traités de limitation de la course aux armements ou de désarmement, comme les traités ABM (antimissiles) ou TNP (non-prolifération nucléaire), soulève le couvercle de la " boîte de Pandore ".
Nous ne pouvons pas laisser faire ! Le Mouvement de la paix vient de décider une grande campagne d’opinion en France pour la relance du désarmement nucléaire, des milliers de cartes-pétitions seront proposées à nos concitoyens. Les ONG de désarmement, en France et dans le monde, avec le réseau Abolition 2000, commencent à se mobiliser pour être présentes nombreuses à New York, du 8 au 19 avril, pour la réunion officielle consacrée à l’examen du traité de non-prolifération nucléaire. Elles feront pression sur les délégués des puissances nucléaires pour leur dire : " Relancez le désarmement nucléaire ! " Nous en serons.
Pour nous, la seule issue au XXIe siècle pour la sécurité du monde, c’est l’abolition complète et contrôlée de toutes les armes nucléaires : là aussi, il faut la " tolérance zéro ". Plus de 180 organisations américaines, progressistes, chrétiennes, non violentes, préparent une grande marche sur Washington DC, le samedi 20 avril, " contre la guerre chez nous et au-dehors ". Nous serons aussi présents. Soutenons-les !
Ce débat sur la sécurité du monde, la lutte contre une militarisation qui serait au service d’une mondialisation néolibérale destructrice de la vie, a été présent à Porto Alegre II, fortement. C’est un formidablement encourageant.
Je crois que ce débat doit être introduit avec force dans l’actuelle campagne électorale présidentielle française. Comment la France va-t-elle agir aujourd’hui et demain pour la construction d’un monde de paix et de justice ? Comment ne pas aborder ces thèmes dans la campagne ? N’est-ce pas parler de la vie de chacun de nous aujourd’hui, de celle de nos enfants et petits-enfants demain, sur ce que nous voulons construire ensemble : une " planète paix " ?
(*) Secrétaire national du Mouvement de la paix.