Journal l'Humanité

Rubrique Politique
Article paru dans l'édition du 20 septembre 2002.

 

Défense Daniel Durand : " On n’arrête pas un cutter de terroriste avec un missile "

Daniel Durand est président du Mouvement de la paix

" Le nouveau projet de loi de programmation militaire 2003-2008 reprend, en l’aggravant fortement, le projet qui était déjà en cours de discussion. Il va se traduire par une augmentation moyenne de plus de 6 % des dépenses militaires prévues. Plus, il se fixe comme objectif de passer de 1,8 % du PIB à 2,3 % de celui-ci, ce qui représenterait alors à terme une augmentation de plus de 30 % des crédits pour les nouveaux armements.

Cette loi de programmation militaire, qui maintient tous les vieux programmes conçus à la fin de la Guerre froide (armes nucléaires notamment) en y ajoutant les programmes de forces d’intervention (professionnalisation , projection, porte-avions) ne répond pas au besoin nécessaire de construction d’un monde plus sûr, plus juste et plus pacifique.

Avec cette loi de programmation, la France ne se prépare pas à "plus d’indépendance", mais à un meilleur "suivisme " des USA dans les politiques qu’ils décideront. La sécurité dans le monde passe par la réponse aux grands problèmes posés à l’humanité, comme les inégalités, la misère. Or, une partie de la réponse se trouve dans l’énorme bloc des dépenses militaires, qui représentent près de 800 milliards de dollars chaque année à l’échelle mondiale. L’augmentation du budget militaire de notre pays soulève les mêmes questions pour la société française. Comment répondre à un certain nombre de besoins indispensables pour le développement de la société et pour sa sécurité interne. En décidant cette loi de programmation et en poussant les autres pays européens à faire de même, on prépare une remilitarisation des rapports internationaux. Je suis convaincu qu’il n’y a pas de sécurité durable dans le monde, ni même d’autonomie dans une fuite an avant dans la course aux armements. Toute construction d’une sécurité collective dans le monde et d’une nouvelle posture autonome vis-à-vis des USA ne peut se rechercher que dans le renforcement des institutions multilatérales. En réaffirmant la primauté de l’ONU dans la gestion de la sécurité internationale, donc en lui donnant les moyens de remplir cette mission. Il est illusoire de penser que c’est dans le domaine militaire que va se régler la sécurité. On n’arrête pas un cutter de terroriste avec un missile. Il est illusoire de croire que c’est à travers l’outil militaire que l’on peut mener une politique autonome des USA, que ce soit en France ou en Europe. On sait bien que la puissance militaire américaine est, à elle seule, quatre fois supérieure à celle de l’ensemble de l’Union européenne. L’enjeu du XXIe siècle, c’est d’arriver à construire une coalition politique mondiale qui oblige les USA à revenir en arrière sur leur prétention et leur programme de développement militaire pour écarter l’utilisation de la guerre, punitive ou "préventive", comme moyen de règlement des problèmes internationaux. Il faut absolument avoir un débat public sur ces questions. "On ne peut payer à la fois le prix de la guerre et le prix de la paix", disait Federico Mayor. "

Propos recueillis par St. S.

 

 
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